13 septembre 2007 4 13 /09 /septembre /2007 16:41
Il marchait de long en large dans cette minuscule chambre de bonne sous les toits.
Il n’aurait jamais imaginé qu’à cause de la  peur on puisse avoir froid ainsi.
Il tremblait par moment avec une telle intensité qu’il vacillait sur des jambes semblant ne plus vouloir le porter.
Pourtant il ne pouvait pas s’asseoir, c’était encore pire quand il restait assis : non seulement il frémissait tout autant mais en plus des nuées de transpiration déferlaient sur le ciel de son front, ruisselant par dessus ses sourcils, regroupant en gerbes étroites et noires ses cils, dévalant l’arête de son nez pour tomber comme une cascade sur l’ombre de ses lèvres, la sudation était si puissante qu’elle donnait l’impression qu’il avait mis sa tête sous les Chutes du Niagara.
Alors il arpentait la pièce à grandes enjambées en marmonnant  de vagues prières tout en s’essuyant le visage de temps à autres, car même si cela n’avait pas autant d’ampleur que lorsqu’il était assis, il transpirait quand même.
Il ne pouvait s’empêcher de jeter un coup d’œil par la fenêtre alors qu’elle donnait sur les toits de l’immeuble de derrière et qu’il le savait bien : il habitait ici depuis trois mois.
En revanche il baissait les yeux et détournait la tête quand la porte se trouvait dans son champ de vision.
Il savait qu’elle allait s’ouvrir d’un moment à l’autre et qu’Elle rentrerait pour lui dire ces mots qu’ils angoissait d’entendre depuis presque une semaine, exactement depuis le jour où il avait reçu cette lettre qu’elle lui avait envoyée du Venezuela  :
 
« Il faut qu’on parle sérieusement. Je passerai chez toi jeudi en fin de matinée. »
 
Il n’avait quasiment pas dormi de la nuit, imaginant tous les scenarii catastrophes possibles, était sorti de son lit avant que le jour se lève et s’était précipité sous la douche histoire d’avoir les idées claires. Il faut reconnaître que lorsqu’il s’était vu dans la glace en se rasant il s’était fait peur : les cernes qu’ils avaient sous les yeux n’étaient pas sans lui rappeler certains « trous noirs » observés du temps où il était fan d’astronomie.
 
Il avait bu du café – mais pas trop afin de ne pas se transformer en ligne à haute tension – et revêtu un jean neuf et un polo Ralph Lauren neuf également , dans lesquels il se sentait « confortable ».
 
Plus les heures passaient plus la tension montait, il savait ce qu’elle allait lui dire. Il ne fallait pas se voiler la face, il allait avoir 50 ans, elle en avait à peine 30, il avait commencé à perdre ses cheveux voilà 5 ans, elle avait un corps de déesse, lui était plutôt quelconque et un début de « brioche » faisait son apparition depuis peu.
Comment avait-il pu croire qu’elle allait rester avec un homme comme lui. Une femme de cette « envergure » n’avait que l’embarras du choix et aspirait à autre chose que finir sa vie avec quelqu’un qui serait à la retraite dans une petite dizaine d’année.
 
Elle avait rencontré un homme plus jeune, plus séduisant et plus dynamique que lui, et elle allait lui annoncer qu’elle le quittait, que cela avait été une belle histoire mais qu’elle s’arrêtait aujourd’hui.
 
Il essuya la sueur qui perlait sur son front lorsqu’un tremblement plus intense que les précédents le fit vaciller, il se rattrapa in extremis au dossier du fauteuil, son cœur s’emballait, il se sentait oppressé, il avait de plus en plus de difficultés à respirer.
Il ferma les yeux un moment, le temps de reprendre ses esprits et de calmer les battements de son cœur et les palpitations dans sa poitrine.
 
Ayant retrouvé son calme il ouvrait les yeux, respirant lentement quand il entendit le bruit de la clé qu’Elle glissait dans la serrure.
Il sentit une violente douleur lui transpercer la poitrine, la sueur déferla sur son front, ses poumons se contractèrent violemment et il s’effondra sur le sol : il était mort avant de toucher terre.
 
Et c’est bien dommage car il ne sut jamais que ce qu’Elle venait lui demander c'était de l’épouser.
Partager cet article
Repost0

commentaires

C
J'ai adoré, et le fond, et la forme...........Superbe étude psychologique, Ô Grand Mage ...;-)))...Tu as parfaitement décrit comment on arrive à se détruire, (ou détruire son bonheur  quand on n'arrive pas à l'extrémité de ton héros)en n'osant pas croire à ce que l'on vit.... en imaginant le pire, en "psychotant"...Cela confirme le "Carpe Diem"....profiter de ce qui se présente de beau et de bien sans se poser de question.... 
Répondre
K
Merci Merci.Ah Calam' c'est toujours un plaisir d ete lire ici avec ton "bon goût" incontestable ;-)Carpe Diem si j'avais sur je l'aurais inventé moi :0002:
F
arf...c'est le genre d'idées sur laquelle j'aurais pu écrire... et selon l'humeur du moment, pile il s'en tire, face il meurt ...conclusion : je me suis pris ton texte en pleine face... va falloir que je recharge mes piles lol !10 secondes de sérieux : excellement écrit, on voit tout, on croit à tout... pas la peur qui lui donnait aussi froid et la suée en même temps, mais l'annonce de la crise cardiaque, les prémisses... franchement un texte très prenant :-) Bravo !attention, coquille : unE femme de cette « envergure »
Répondre
K
Moi j'ai failli le faire s'en sortir pour ne pas être à nouveau "repéré", mais l'honnêté l'a emporté..Il ne pouvait pas s'en tirer... Definitely :0002:Merci pour ce com-pliment, et merci pour la "coquille"  ;-)
S
Bonjour Houellebecq dans les particules élémentaires fait aussi un descriptif assez intéressant sur ces belles femmes qui ont dans leur beauté leurs premières déceptions et finalement leur enfer , personne n'ose les approcher de peur de ci, de peur de, de peur de là ... alors au final elles ne connaîtront que ces sombres brutes qui eux , heureux les simples d'esprit.. ne se posent pas de questions et ce sera le début de leur longue, mais véritable ... déchéance....comme dans votre texte il y a un vécu bon je suis loin des 50 ans mais qui sait... 
Répondre
K
Merci.J'avoue ne pas être "fan" de Houellebecq mais je me sens falté qu'il ait abordé ce thème ;-)Même si j'ai dépassé les 50 ans quand j'avais le coeur libre et l'âme séductrice je fixais souvent mon "choix" sur ces superbves femmes que personne n'osait abordées les trouvant trop belles.Ce qui fait qu'elles étaient "heureuses" que quelqu'un ose passer au-delà de l'à-priori "Elle est trop belle pour moi" ;-)
S
Au  début , je croyais entrer dans un polar....cette peur panique source de nombreux romans que l'on n' écrit jamais.... l'angoisse me gagnait à ta lecture mais ça va ,je tiens encore debout et suis prête à épouser le premier ... oups! non! je suis mariée..je m'égare!
Répondre
K
Etrange comme un texte peut évoluer...J'avaisd l'intro en tête et la suite s'est déroulée toute seule... Quant à la fin je m'y attendais un peu ;-)Merci de ton com' et heureux d'avoir réussi à t'entrainer sur les rives troubles de la peur ;-)
A
Le pauvre , terrible cette fin ! Comme je le disais à Claire : ne pas faire comme le chat qui tourne en rond , mais prendre sa place sans trop se poser de questions ! De toute façon , quoi que tu fasses , les autres ne te ratent pas ! Alors ! Cueillons dès aujourd'hui , les roses de la vie ! Bon , je retourne au soleil , moi !
Répondre
K
Ah ah tu du signe du coucou 8-)T'as raison il ne faut pas se "torturer" le neurone trop longtemps...Comme disait une maxime écrite sur un cendrier chez ma grand-mère :L'Homme est le contraire du café, il faut le prendre avant qu'il ne soit passé :0002:Merci de ton passage ici.
C
Ha ha ha ! C'est vrai, tu as raison, à force de te lire je me doute un peu du scénario qui va suivre... Mais cela ne t'empêche pas de me faire des surprises ! ;-)
Répondre
K
Cool... !!!Alors je vais continuer à écrire alors... Ave l'espoir de continuer à te "surprendre" :0002:Merci !
L
Un petit coucou pour l'ami Kildar !Je suis enfin en congés maternité , je vais avoir du temps pour moi et pour les bloggeurs !Bisous LOLO
Répondre
K
Hello My Lauré' !Cool ça c'est  une bonne nouvelle...Mais abuse pas trop... Certains de nos textes ne sont pas forcément conseillés aux femmes enceintes 8-)Bisous++++++++
O
En fait c'était la mort qui entrait, et effecvtivement elle l'a épousé...C'est ainsi que je lis ton histoire, bien menée
Répondre
K
Oui d'une certaine façon c'est la Mort qui est entrée...Sa peur l'a appelée bien mieux qu'un appeau  les colverts....Merci !
C
Joli ! :o)J'en étais certaine qu'elle venait lui annoncer une bonne nouvelle, et qu'il se faisait un film tout seul dans son coin. Mais là, c'est trop tard, il est déjà mort, embarqué par ses frayeurs personnelles. Comme quoi le peur n'amène rien de bon. ;-)
Répondre
K
Toi c'est de la triche... A force de me lire tu me devines 8-)Merci pour cette empreinte...Et t'as raison la peur n'amène rien de bon dans ton texte comme dans le mien 8-)
M
"la chute est terrible" disait polly....vrai au sens propre et figuré !.........beaucoup d'humour et de réalisme dans ce texte.....ah cette peur panique.!!...bises....et continuez à vous éclater.....vos textes sont assez géniaux..... 
Répondre
K
Merci pour ce com'...Bises et promis on continuera... Enfin j'espère :0002: