Si tout va bien je meurs demain...
Je suis tombé sur ce texte "par hasard"...
Je l'ai écrit il y a plus d'un an - comme en témoignent les commentaires - et cela a été le "flash" :
Voila exactement ce que m'inspirais la photo de Polly.
Alors il sera ma contribution à l'exercice... Jusqu'à nouvel ordre !
« Sors de ma vie Audrey ! Nous n’avons vraiment plus rien à faire ensemble… »
Sur ces mots, lancés au visage d’Audrey comme une porte qu’on claque face à un représentant en assurances ou un témoin de Jéhovah, Romain referma une fois encore celle de son cœur.
Audrey avait pourtant cru avoir réussi à se glisser par l'interstice de l’éphémère entrebâillement de ce cœur, plus fortifié et protégé que la vertu d'une épouse de chevalier partant en Croisade.
Pour lui elle avait oublié les démons du passé.
Pour lui elle avait ouvert son âme et laisser parler son corps.
Une fois encore elle avait cru en la sincérité et l’authenticité humaine.
Mais Romain avait refermé son cœur plus vite encore qu’il ne l’avait ouvert.
« Tout est illusion… » se dit-elle… mais il est des illusions qui engendrent des souffrances bien réelles…. Une entaille de plus… Pourtant….
Audrey était loin de se douter qu’un être, qui avait autant souffert dans son passé relationnel, de trahisons, indifférences, mépris et même de violences, puisse lui infliger pareils sévices.
Toutes ces nuits où elle s’était confiée à lui, ces nuits succédant aux soirées où il lui racontait sa vie, pleurant sur son épaule comme un enfant se faisant consoler d’une terreur nocturne dans les bras de sa maman.
Romain comme Audrey avait égrainé jour après jour, nuit après nuit la triste histoire de l’avanie humaine, dans tout ce qu’elle a de sordide et de cruelle quand il s’agit de sentiments.
Et puis ils s’étaient découverts une véritable bonté sans pré-requis, ils étaient l’un comme l’autre réellement bons, des êtres bons au sens littéraire du terme. Ce « point commun » les avait rapprochés plus encore, Audrey s’était alors sentie en harmonie comme jamais auparavant elle ne l’avait été avec quiconque et surtout pas avec ses parents ou ses amants.
Elle avait écouté et compati à ses malheurs, séchant ses larmes avec son amour et sa tendresse, jour après jour il avait retrouvé le sourire et surtout confiance en lui.
Quant était venu pour elle le temps des confidences, Romain l’avait écoutée, encouragée même à aller plus loin, il l’avait réconfortée et rassurée, elle s’était confiée à lui comme elle ne l’avait jamais fait avec quelqu’un aussi proche d’elle fut-il.
Une nuit, sans en prendre conscience, elle lui révéla ce qui ne devait pas l’être, ou plutôt ce qu’une femme ne doit jamais confier à un homme quand il s’agit du meilleur ami de celui-ci, mais comment aurait-elle pu savoir à cet instant que Romain n’était pas différent de ceux qui l’avaient maltraitée et faite souffrir auparavant.
Le lendemain midi ils étaient invités à la « garden party » organisée pour l’anniversaire de Vincent, le « meilleur ami », lorsque au moment des cadeaux arriva le tour de Romain, celui-ci s’assurant que tous les invités étaient attentifs à ce qu’il allait dire, resta silencieux un instant avant de dire d’une voix haute et ferme :
« Vincent mon cadeau sera une question. C’est vrai ce que m’a dit Audrey à propos de… »
Elle n’entendit pas la suite, mais les visages se déformant et se tournant vers elle avec dégoût au fur et à mesure que les secondes passaient, lui suffisaient pour savoir exactement ce qu’il racontait.
Quand tout le monde se mit à la regarder d’un air horrifié, Romain s’approcha d’elle en souriant et tenta de lui expliquer pourquoi il se devait de faire cela : elle ne lui ne laissa pas le temps. Elle le gifla et se mit à l’agonir d’injures, des larmes de colère et d’amertume coulaient sur son visage mais elle n’en avait pas conscience, elle était au-delà de la souffrance.
Il lui saisit le poignet alors qu’elle s’apprêtait à réitérer son geste et lui dit que puisqu’elle ne comprenait pas ses raisons, qu’elle n’était pas aussi « bien » qu’il l’avait pensé, et prononça cette phrase qui la sortit de sa vie.
Elle le regarda, essuya son visage d’un revers de la main et dans un coin de sa tête une petite voix qu’elle n’avait encore jamais entendue lui dit qu’il fallait continuer à avoir foi dans l’Homme pour être capable de croire en des lendemains meilleurs.
Audrey tourna alors ostensiblement le dos à Romain et ses « amis », regardant loin devant elle, là où le soleil éclairait un futur où tout était encore possible.