Nathan avait beau :
- retourner le sujet de la dissertation d'histoire dans tous les sens,
- téter et mâchouiller en alternance son stylo plume,
- regarder par la fenêtre,
- s'abîmer dans la contemplation du plafond....
Rien n'y faisait il n'avait pas l'ombre d'une idée.
Que ce soit "Le Club des Jacobins" ou "L'Arrestation de Louis XVI" rien ne lui parlait vraiment. Il devait bien reconnaître que n'ayant pas ouvert son bouquin et son classeur d'Histoire depuis des semaines, ce manque d'inspiration n'était guère étonnant.
Il tourna la tête vers Vincent son voisin de table, ou plutôt de pupitre, et il lut dans le regard de celui-ci la même vacuité qu’il imaginait habiter le sien. Apparemment il avait autant révisé que lui pour ce contrôle d’Histoire du 2ème trimestre.
Nathan regarda à nouveau l’énoncé des sujets et dans son esprit surgit d’il ne savait où une phrase « étrange », comme si une voix venait de la prononcer dans sa tête, il eut même presque l’impression de l’entendre en vrai.
« Le Club des Jacobins qu’il ne faut pas confondre avec le Jacob’s Club ( Elysées 38 42). »
Et là ce fut le déclic, il ôta le capuchon de son stylo et fit courir celui-ci sur sa feuille de papier quadrillé à vitesse grand V.
« Le Club des Jacobins, qu’il ne faut pas confondre avec le Jacob’s Club ( Elysées 38 42), était un club très privé où l’aristocratie révolutionnaire venait s’y distraire très souvent.
On y voyait manger Marat, Danton, Robespierre.
On y voyait fumer Marat, Danton, Robespierre.
On y voyait déclamer Marat, Danton, Robespierre.
On y voyait danser Marat, Danton, Robespierre.
Et de 23 heures à l’aube la belle Lola s’y déshabillait, montrant ainsi qu’elle n’avait rien à cacher… »
Nathan remplit les quatre pages de sa copie-double.
C’est avec la satisfaction du « devoir accompli » qu’il referma son stylo et relut son devoir pour le plaisir.
Vincent qui, le voyant se mettre à écrire comme si il avait eu une illumination divine, s’était penché discrètement vers lui pour voir ce qu’il écrivait, avait eu lui aussi un déclic.
Il remplit sa feuille en y racontant l’Arrestation de Louis XVI à la station de Métro Varenne car il voyageait en 1ère Classe avec un ticket de 2nde, le contrôleur de le RATP le conduisant au bureau central situé à la station Temple.
A la fin de l’épreuve nos deux amis posèrent leur devoir sur le bureau du prof et sortirent de la classe en se racontant le contenu de leur dissertation, le tout entrecoupé de nombreux éclats de rire. Car ils étaient fiers d’eux les « bougres ».
Mais surtout ils prêtaient à leur professeur d’Histoire plus d’humour qu’il n’en avait.
Cela ils le découvrirent une semaine plus tard et comme ni l’un ni l’autre n’avait eu l’air « coupable » ou repentant, Nathan, à qui le prof avait demandé de s’installer à son bureau face à la classe pour y lire son devoir, n’ayant pas pu s’empêcher de rire en le faisant, ils reçurent directement un blâme, furent convoqués chez le Censeur du Lycée et envoyés en « consultation » chez le Psychologue Scolaire.
Celui-ci leur diagnostiqua un sens de l’humour très particulier et les traita de « rigolos ».
Presque 20 ans plus tard Nathan ne regretta qu’une chose :c’est que son prof d’Histoire ne lui ait jamais rendu son devoir.